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Cahier des Charges (tiré du livre Plaidoyer pour l'arbres de Francis Hallé)

Supposez que j'aille frapper à la porte d'un architecte fameux, Portzamparc, Celnik, Nouvel, Ebersolt ou Chemetov : le gratin de la profession, dans un cabinet ultra-moderne ou, entre plantes vertes et lumières tamisées, travaillent des dizaines de personnes. Imaginez ce genre de dialogue :

" Bonjour, maître. Si je vous demande de construire une tour de 60 mètres de haut, cela vous parait il possible  ? 

Bien entendu, je sais  faire cela, j'en ai fais des centaines dans les années 1960 et, entre nous, ce n'es pas bien malin  à construire ! Mais , vous  savez , les tours de  quinze étages, c'est un peu passé de mode ; on me dit que c'est désagréable à habiter et que  cela généré de l'insécurité. Souhaitez vous que je travaille particulièrement la question de la fiabilité des ascenseurs ? 

Maître vous n'y étés pas, il ne sagit pas d'une tour d'habitation. D'ailleurs, elle n'est pas creuse, mais pleine et la surface au sol doit être circulaire  et d'un diamètre de 2 mètres. 

Hola ! comme vous y allez ...Voyons laissez moi réfléchir ... 60 mètres de haut et 2 mètre de diamètre basal ..., votre tour va ressembler davantage à une antenne des télécoms qu'à un vrai immeuble ! 

Pas du tout, j'ai omis de vous dire que la partie haute, disons les 20 mètres supérieurs, doit porter une vaste surface, souple , finement découpée mais solidement fixée et se  montant à une total d'environ 15 hectares pour un diamètre d'environ 30 mètres.

Puis je, en outre, vous demandez  de peindre tout cela en vert pomme ? ".

"Quoi, hurle t'il, vous imaginez un peu la prise au vent que va occasionner une telle superstructure ? il va falloir  que je creuse des fondations à plus de 15 mètres de profondeur.

- j'en suis désolé, maître, mais la profondeur des fondations ne dois pas excéder 3 mètres. J'ajoute que j'ai l'intention d'établir ma tour sur un sol meuble et très humide, dans un climat équatoriale ou il tombe 3 mètres d'eau par an.

- Quoi ? Vous étés fou ! Je ne la sens plus du tout, votre construction. Vous imaginez les corrosions, avec une pluviométrie pareille ? Je vais devoir  faire appel à des matériaux ultra sophistiqués, genre composite de titane et plastique enrichi au tungstène, donc  excessivement  coûteux. Cela va vous coûter la peau des fesses, vous y avez pensé, à ça ?

- Bien sur que j'y ai pensé. Hélas pour vous, maître, le matériaux doit être banal, léger, capable  de flotter sur l'eau et d'un prix réellement attractif, quelque chose comme 500 €uros le mètre cube au maximum, et beaucoup moins si c'est possible. 

-Un tel édifice n'existe pas  et n'existera jamais, rugie le maître. Assez! vous méfait perdre mon temps ! Allez vous en ..."

Je suis parti ; ce n'était pas la peine de le pousser à bout. D'autant plus que mon cahier des charges n'était pas fini et que je ne lui avais pas encore avoué le plus grave : si par malheur le vent abîmait ses superstructures , ma tour devais être équipée pour s'auto réparer dans un délais de quelques mois . De plus, avec le temps je voulais qu'elle soit capable de s'entourer de petites tours, identiques à elle-même, et poussant spontanément.

La morale de cette histoire, c'est que l'être humain, en dépit de toutes prouesses technologiques dont il est si fier, est toujours incapables, en ce début de troisième millénaire, de construire un grand arbre,un petit aussi d'ailleurs. Pour l'instant tout ce qu'il sait faire, c'est de l'abattre, et ça il ne s'en prive pas.

L'arbre est beaucoup plus impressionnant qu'on ne le croit ; il est intimement mêlé à notre vie, à notre histoire, à notre vision du monde et même je pense, à notre origine en tant qu'espèce. j'ai voulu montrer que l'arbre, pour nous, s'étend plus loin que extrémité de ses branches et s'enfonce plus profond que ses racines.

 

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